mercredi 12 novembre 2014

Pia 1/3

Elle ouvrit les yeux et prit une longue inspiration. Elle était là, seule, dans cette grande pièce blanche. Elle avait toujours aimé le blanc, cette teinte l'aidait à oublier. Elle fixait longuement la peinture puis attendait que ses yeux s'embrument, jusqu'à ce que son champs de vision ne se résume plus qu'à un grand halo blanc. Alors elle pensait à autre chose, son esprit vagabondait, elle rêvait d'une vie meilleure. Et elle oubliait.
Mais aujourd'hui elle ne parvint pas à oublier. Elle s'obstinait pourtant à regarder ce mur mais ne voyait que fissures et toiles d'araignées. Il était vide de sens et vide de rêves. Ce qui avait été autrefois un échappatoire devenait aujourd'hui un dur retour à la réalité.

Résignée, elle se leva péniblement, ne prit même pas la peine de faire son lit, et se dirigea vers la fenêtre. De toute manière, personne ne pourrait le lui reprocher parce que justement, il n'y avait plus personne.
Elle l'ouvrit d'un coup sec et ferma les yeux, laissant un courant d'air s’engouffrer dans la chambre. Elle huma longuement l'odeur qui flottait. Un odeur de chèvrefeuille. Son odeur. Elle ouvrit doucement les yeux. Le soleil, ce soleil qui autrefois la rendait si heureuse, ce soleil qui la faisait se sentir vivante, l'éblouissait. Elle mit sa main devant son visage et contempla la bague qu'elle portait à l'annulaire. Sa bague.
Un vent frais lui caressa le visage. Elle aimait cette saison, elle aimait sentir la chaleur de ce début d'été et par dessus tout, elle aimait la clarté qui en résultait. Elle se sentait à la fois heureuse et mélancolique, elle avait beau s'efforcer de faire le vide dans son esprit, elle n'y parvenait pas. Chaque tentative s'apparentait à un nouvel échec. Elle ne pouvait pas ne pas penser à ce mardi, ce mardi où, la première fois depuis dix-neufs ans, elle s'était réellement sentie seule.

Son portable vibra, elle se détourna de la fenêtre et tendit sa main jusqu'à sa table de nuit, et parvint, sans mal, à l'attraper. Elle ouvrit la boîte de réception.
Hello blondasse, on mange italien ce midi ?
Elle se demanda qui pouvait bien lui envoyer un tel SMS et dût se rendre à l'évidence qu'il n'y avait qu'une personne capable de lui écrire une chose pareille : Alec. 
Elle n'était absolum
ent pas blonde, mais s'il y avait bien une personne au monde capable de l’appeler comme cela, c'était Alec. Ça avait toujours été son fantasme, les blondes, or il était tombé sur Pia, et elle était brune. Mais cela ne semblait pas le déranger et il continuait de la surnommer blondasse... ou pétasse. On pouvait clairement dire qu'il manquait  de tact, surtout en ce lundi matin. 
Il était pourtant au courant pour sa mère, mais devait sûrement déjà avoir oublié. 
Pia reposa son téléphone et caressa son chat, Paulo, venu se frotter à ses jambes. 
"Il est temps de manger, c'est ça ?"
Elle se dirigea vers la cuisine, Paulo sur ses talons. Elle versa un bol de croquette et un de céréales. Tandis qu'elle mangeait, elle essayait de se rappeler de la dernière fois où elle avait vu sa mère. Cela remontait à plus de six mois, quelque chose comme ça. Toutes deux n'avaient jamais été vraiment proches. Depuis sa naissance elle se faisait garder par sa grand-mère car, Astrid, sa mère, n'avait que très peu de temps à lui accorder. Si bien que dès qu'elle en avait eu l'occasion, Pia décida de louer un appartement, loin de chez elle.
Son père, elle ne l'avait jamais connu, elle ne savait pratiquement rien de lui et elle n'avait jamais posé de questions. Elle pensait que s'il était parti c'était parce qu'il n'avait pas voulu d'elle. Alors elle ne voulait pas de lui. 
Elle était fille unique et n'avait que très peu d'amis. Par choix. Étant solitaire, la compagnie la dérangeait, elle aimait profiter des moments calmes que la vie de célibataire lui procurait et c'était  une des raisons pour lesquelles elle avait toujours refusé de s'engager.
Pourtant des hommes, il y en avait eu, le dernier en date étant Alec. Mais elle n'avait jamais ressenti de déclic, jamais elle ne s'était dit tomber sur la perle rare, sur l'homme de sa vie. 
A vrai dire à vingt-trois ans, elle ne songeait pas encore au mariage, mais rêvait secrètement qu'un jour, elle ressente l'envie de partager, avec un homme. Enfin.... du moins plus que son lit le temps d'un soir.

Elle fut tirée de ses pensées par son portable. Encore Alec.
Alors Chérie, tu me boudes ?
Chérie. Ce mot semblait tellement faux venant de lui. Elle ne prit même pas la peine de lui répondre, elle savait pertinemment qu'il ne lui envoyait cela que pour la forme. À cette heure ci il devait être en train de draguer une autre nana, si ce n'est déjà en train de batifoler entre ses cuisses, lors de la pause de midi il avait largement le temps. Il l'avait déjà fait plus d'une fois, à l'hôtel au coin de la rue où même dans la réserve, au bureau, avec elle comme tant d'autres.



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